Dompteur d'anges, de Claire Favan --- ou la destruction de l'innocence!

Publié le par Paco

Dompteur d’anges
Claire Favan

Éditions Robert Laffont / 2017
Pocket / 2018
437 pages

Eh oui, comme je le mentionne dans le titre de ma chronique, l'innocence va en prendre un sacré coup, et ceci dans tous les sens du terme!

Je suis un fervent adepte des histoires de vengeances. Celles qui sont justifiées, inévitables et compréhensibles. Celles qui sont carrément obligatoires pour retrouver une raison, une dignité et le respect qui nous a été supprimé. C’est bien plus qu’une question d’honneur.

Ici, cela sera le cas, du moins sur le fond. Sur la forme, par contre, cela sera difficile, voire impossible à cautionner. Gros dilemme.

« Être au mauvais endroit au mauvais moment ». Voilà ce que je peux dire, en préambule, concernant cette histoire. Il existe des circonstances extraordinaires face auxquelles vous n’arriverez jamais vous défendre. Lorsque le couperet s’abat sur vous, sans préavis, car vous avez juste eu le malheur de passer à cet endroit-là, vous ne pouvez plus faire grand-chose. Tout ceci peut être résumé avec un terme bien précis : l’injustice.

Une injustice pratiquée parfois par le destin, mais souvent et surtout par les hommes. Max Ender, une bonne personne, serviable, qui aime la simplicité et vivre tranquillement, en fera justement les frais. Cet homme a été retiré de la société pour un crime qu’il n’a pas commis. Un crime sexuel sur un enfant.

Franchement, entre nous, que peut-il arriver de pire pour un honnête homme ? Et lorsque cet homme intègre se retrouve dans le tambour d’une machine à laver travaillant uniquement sur un programme « à charge », - essorage compris ! -, comment est-il sensé réagir ? Une bonne partie de l’attrait du roman se situera justement là.

Découvrant l’écriture de Claire Favan, j’ai été surpris par cette capacité à poser un contexte, un cadre ou une situation aussi tendue en si peu de temps et de mots. L’auteure sait aller à l’essentiel, avec simplicité mais, paradoxalement, il faut admettre que c’est loin d’être simple.

Claire Favan, par cette histoire à tordre les boyaux, va nous démontrer comment un homme bon, mais complètement démoli, peut radicalement changer par la force des choses. En tant qu’observateurs, nous allons assister à la transformation de cette personne à qui l’on ôte, inlassablement, sans répit, toujours un peu plus de dignité et d’espoir.

C’est comme si vous battez votre chien à coups de batte de baseball, chaque jour, à chaque fois qu’il vient vers vous. Il ne comprendra pas !

L’espoir, justement. Lorsqu’il disparaît totalement sous la surface de l’horizon, sans retour possible, l’âme s’éteint, à petits feux, pour finalement renaître et briller d’une autre manière. Un processus de défense naturelle s’enclenche, tous les signaux d’alerte s’animent et le début d’une radicale vengeance commence alors. Le raisonnement et le bon sens ne feront dès lors plus partie de la donne.

Et c’est là où le bât blesse. La situation qui se déroulera alors deviendra inconfortable et très gênante pour le lecteur. On comprend la situation de base, on approuve la réaction, - on encourage même ! -, mais pas comme ça.

Cela ne sera plus un être humain que nous aurons en face de nous, mais une machine programmée pour se venger, en utilisant tous les moyens possibles, peu importe les dommages collatéraux.

Apathique, ayant perdu toutes émotions, n’ayant plus qu’une chose en tête, Max Ender va atteindre le point de non-retour : dresser des enfants et les retourner contre ses tortionnaires, société comprise.

L’auteure, avec brio - n’ayons pas peur des mots ! - va dérouler devant nous l’histoire d’un homme qui, d’une certaine manière, s’est senti trahi par la société, sa société, et qui a quasiment été envoyé à la mort, pour rien...

Ce qui est dur à gérer dans ce récit, ce sont les diverses émotions qui se battent entre elles dans notre âme et notre conscience. Ce que nous vivons engendre un réel conflit jusqu’au plus profond de nos tripes.

Claire Favan, avec une écriture dure, brute et sans garde-fou, nous torture à petits feux en mettant en scène des actes très difficiles à supporter. Même dans une fiction, la douleur perpétrée à un enfant est insoutenable.

Selon cette trame diabolique, impossible de ne pas faire un parallèle avec les enfants-soldats, qui œuvrent dans bien des pays en conflit. Leur implication et responsabilité morales deviennent très difficiles à juger pour ces victimes endoctrinées, préparées et entraînées dès leur plus jeune âge.

Ce processus sera très bien décrit ici, par étapes, ce qui nous permettra de comprendre ce phénomène psychologique redoutable et lamentable.

Alors que je m’attendais à une trame, certes très efficace, mais linéaire, l’auteure bifurque tout à coup en effectuant un angle très serré. Le récit prend dès lors une tournure très intéressante car totalement inattendue. Je ne rentrerai pas dans les détails mais, sur l’aspect humain, sociétaire ou encore psychologique, ça devient pertinent !

Nous allons nous focaliser sur l’un de ces « enfants-soldats », Cameron, et grandir avec lui. L’auteure nous conduira alors dans une direction assez ambiguë, sournoise, du moins assez problématique. D’un point de vue psychologique, Claire Favan nous offre de la matière qui nous permettra d’effectuer moult réflexions. Assez fascinant...

La vengeance va changer de méthode et surtout de visage. La pression sera notre partenaire jusqu’au dénouement, une pression qui pèse de plus en plus lourd sur les épaules de l’un des personnages. La sensation sera la même que celle de courir sur un tapis roulant qui fonctionne à l’envers : Plus tu sprintes, plus vite tu te fais rattraper !

Le dénouement est subtil, surprenant et émouvant. Un mélange de paradoxes vient gratter nos neurones et ainsi perturber nos perceptions et nos convictions ! 


Bonne lecture. 

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M
Je l'ai rencontrée au salon seilles de crimes, je lui ai pris cet opus, pas encore lu
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