Entre deux mondes, Olivier Norek

Publié le par Paco

Entre deux mondes
Olivier Norek

Éditions Michel Lafon / 2017
414 pages

Si vous ouvrez le Larousse à la page 746, vous constaterez qu’Olivier Norek est un synonyme de Victor Coste. Sauf que cette fois-ci, il faudra aller consulter la page des exceptions : le capitaine Victor Coste, personnage récurrent des histoires de Norek, vous n’allez même pas le croiser !

Je précise tout de même que cette introduction est une blague (pourrie, un peu...). Donc, n’ouvrez pas le dictionnaire car vous allez carrément perdre votre temps ! Par contre, pour l’histoire de l’exception, c’est bien réel : Victor Coste, ça sera peut-être - sans doute - pour une autre fois.

En parlant de blague, cette histoire n’en est de loin pas une. Olivier Norek s’engage, soulève et nous présente ici un scandale - inévitable ? - qui est devenu bien évidemment très médiatique : la stagnation, la gestion et le traitement des migrants entre la France et l’Angleterre. L’auteur va aller loin dans ses investigations concernant ce processus de déportation, - tout de même très opaque -, et nous emmener à la base du problème en mettant en scène des personnages accrocheurs.

Olivier Norek, avec ce récit poignant, fait en sorte que ce qui s’est déroulé à Calais ne s’oublie pas trop facilement et rapidement.

On dit souvent que pour chaque problème, il y a une solution. Oui, mais là : non. Entre les calaisiens en colère, souvent à juste titre, et les migrants qui sont là, pour la plupart, par grande nécessité - nous découvrirons pourquoi tout au long de cette histoire -, un conflit qui ne peut de toute manière par être géré apparaît. Tout le monde est dépassé par les événements, la gestion est faite sous pression, résultat : c’est le chaos et le stress. Et lorsque l’on est stressé, débordé et dépassé, on peut devenir agressif.

Une zone anarchique, sans droit ni loi, est née au bord de la Manche.

L’auteur nous offrira deux points de vue concernant ce qui précède : un point d’observation au sein même du camp des migrants, en leur compagnie, avec leur vie et leur âme en sursis, et un autre point de vue côté police, avec des hommes agressés et agressifs, qui sont conscients de leur boulot ingrat mais essentiel.

Dans les deux « camps », des personnes à bout, tendues et perdues. Même si je voudrais prendre parti, je ne saurais pas vraiment quoi dire...

L’auteur mêlera ce monde des migrants avec l’aspect du terrorisme. Deux facteurs qui vont évidemment de pair. Quoi de plus simple, si l’on s’y prend bien, d’aller puiser dans une marmite remplie d’être déchirés, sans attache et facilement manipulables.

La jungle de Calais - la Lande - sera l’un des décors de ce roman inspiré de faits tristement et évidemment réels. Une multitude de décors vont en fait se succéder devant nous, car le voyage va être long, douloureux et très pénible.

De Damas, en Syrie, en passant par la Libye, ou encore par l’Italie et la France, Olivier Norek va nous expliquer dans quelles conditions se déroulent la fuite inévitable d’un pays en guerre, plombé par la dictature. Pour ce faire, pour être au plus proche de la réalité et au plus près des émotions, l’auteur va mettre en scène des personnages touchants et bouleversants.

Adam, ancien flic intègre et droit, est membre de la police militaire du régime de Bachar El-Assad. Ou devrais-je plutôt dire qu’il est membre d’un mouvement rebelle de l’armée Syrienne libre, en infiltration dans la police militaire. Son intention : sauver la peau de sa femme et de sa petite fille - la sienne aussi, idéalement - d’un pays dirigé par un gouvernement assassin. Nous serons sur ce parcours, du début à la fin, témoins d’actes barbares qui ne nous empêcheront pas de faire un parallèle avec ceux des nazis.

Olivier Norek écrit sans aucune retenue, sans aucune censure : c’est très dur, révoltant, parfois même insoutenable. Il est impossible pour le lecteur que je suis de rester de marbre et de me forger une carapace. Je n’en aurais même pas envie - la réalité est là -, et cela ne sert à rien de se voiler la face.

Nous allons aborder deux personnages clés dans cette histoire : Adam, syrien, ex-flic, déchiré par un pays qui lui enlève toujours un peu plus de vie et d’espoir et Bastien, flic à la BAC de Bordeaux, qui débarque à la brigade de sûreté urbaine de Calais, pour des raisons personnelles.

Deux destins différents, deux hommes pas si différents et une rencontre. Une union qui va mettre tout le monde d’accord sur un point : nous sommes tous pareils et nous recherchons tous la même chose. Cependant, nous n’avons pas tous les mêmes outils pour y arriver.

Olivier Norek a réussi à me heurter de plein fouet avec cette histoire très sombre et déchirante, mais aussi belle et poignante. Ses mots, dégoulinant de réalité, m’ont fait l’effet d’une baffe, un grand coup direct accompagné de ces quelques mots : « voilà ce qui se passe près de chez toi, pour qui mais aussi pourquoi ». Forcément, ça laisse des traces.

L’auteur ne donne pas de solutions miracles dans ce récit, - d’ailleurs y en a-t-il seulement une ? -, mais expose les faits, tels qu’ils sont, avec des détails précis qu’il est allé chercher, j’imagine, avec grand intérêt et minutie.

Bonne lecture. 

Commenter cet article