Qui a tué Heidi?, de Marc Voltenauer --- Typiquement Suisse!

Publié le par Paco

Qui a tué Heidi?
Marc Voltenauer 

Éditions Statkine&Cie / 2017
446 pages

Cet ouvrage fait partie des dix livres sélectionnés pour le prix du meilleur "polar" romand qui sera décerné lors du salon du polar à Lausanne, "Lausan'noir".

Voici donc le second polar de Marc Voltenauer, après "Le Dragon du Muveran". Le premier opus ne m'avait pas du tout convaincu - je suis presque le seul dans ce cas, je sais, j'assume! -, notamment en ce qui concernait les détails de procédures, l'originalité ou encore l'épaisseur des personnages.

Pour celui-ci, il y a de l'évolution dans l'air! Une révolution même! L'auteur m'a paru bien plus à l'aise pour nous transmettre ce deuxième récit. Bien entendu, tout cela n'engage que moi.

Nous retrouvons bien entendu l'inspecteur Andreas Auer dans son petit village de Gryon, dans le canton de Vaud, en Suisse, mais aussi d'autres protagonistes qui ont eu des rôles non négligeables dans le premier roman. Lors du prologue, nous pouvons constater que l'inspecteur Auer est totalement à bout, suite à une affaire qui semble avoir très mal tourné.

Nous aurons donc droit à un petit retour en arrière, pour en connaître toutes les raisons.

Nous franchirons aussi la frontière pour nous rendre à Berlin, afin de suivre un ancien agent des services secrets russes, reconverti en tueur à gage, lors d'une mission délicate et préparée avec la minutie d'une montre helvétique - qu'il porte d'ailleurs au poignet.

Cet homme, qui enchaîne les missions, finira par nous reconduire en Suisse, où un contrat d'envergure doit être exécuté. Son pèlerinage macabre le conduira-t-il au petit village de Gryon? Meuhh non... Si?

Nous aurons également l'occasion de côtoyer un personnage étrange, qui se libère totalement lorsqu'il se risque à de drôles de scénarios. Un esprit torturé dans un corps encombrant, soit un état général très tordu provoqué par les stigmates du passé. Un gros complexe d'Œdipe qui peut sans doute le conduire au point de non-retour.

Premier constat: le style de l'auteur s'est nettement amélioré! Bon rythme, personnages accrocheurs et une trame qui donne envie de tourner les pages sans se faire prier.

Le village de Gryon m'apparaît bien plus vivant et plus attrayant que dans le précédent roman, avec ses paysans, ses vaches et sa vie locale. Les vaches! C'est vrai, pourquoi ne pas en parler en y consacrant quelques chapitres? Nous sommes en Suisse, fiers de notre pays et Marc Voltenauer l'a bien compris. Il l'a fait - très bien fait même - et franchement cela me plaît bien.

La faune locale aura même un rôle clé dans cette histoire.

L'auteur fait honneur à notre patrie et la place au-devant de sa scène polardesque d'une manière agréable, authentique et avec beaucoup d'adresse.

Quel bonheur de lire régional, de s'abreuver de notre identité helvétique! Des parties de Jass, en passant par les alpages, les rencontres de Jeunesse ou encore les concours dédiés aux bovins, c'est du grand bonheur. Et tout ceci sous le joug d'une intrigue qui se tisse lentement, fil par fil, maintenant une pression assez constante. Je reprocherais juste à l'auteur d'aller un peu trop loin dans certaines descriptions et de se répéter parfois quant à l'évolution de cette intrigue, ce qui a pour effet de faire traîner un peu les choses en longueur. Soyons clairs: dans l'ensemble, ceci est un détail.

Le petit village de Gryon va se transformer en une véritable scène de crime, témoin de probables vengeances, magouilles immobilières ou encore de morts violentes. L'auteur déroulera la trame de sorte que nous aurons toujours le cul entre deux chaises. Soit, on ne sera jamais vraiment sûrs de rien, le doute étant fort présent.

L'inspecteur Andreas Auer, plus ou moins sur la touche, et son conjoint journaliste fouineur, vont s'immiscer dans une enquête qui leur semble être totalement faussée, négligée et un peu trop à charge. Respectant l'adage "ne pas se fier aux apparences qui sont parfois - souvent! - trompeuses", ils se dirigeront vers la difficulté, à contre-sens, mais peut-être aussi vers la vérité, et bien sûr le danger. Effectuer une enquête à décharge sera donc la principale préoccupation du flic en "vacances". Cette enquête locale sur l'assassinat d'un agriculteur va le conduire vers du nettement moins local et du beaucoup plus lourd.

Les personnages sont dotés ici d'un fort caractère, épais comme je les aime. L'auteur n'épargne personne, tous sont bien décrits, avec précision, bref: ils ont enfin une âme! Je dis enfin car c'est cela qui me manquait cruellement dans le précédent roman.

L'inspecteur Andreas Auer, qui aura un rôle moins officiel, sera très présent au niveau de sa propre personne. L'auteur lui donne ici un rôle difficile, celui du condamné. Condamné à errer dans une vie où bien trop de questions se posent, sans pour autant croiser tant de réponses. Le passé n'est parfois pas si simple à stocker dans un coin verrouillé de sa cervelle. 

Tous les ingrédients cités ici vont évidemment se mélanger à un moment ou à un autre. Marc Voltenauer va nous les concocter à sa sauce, assez pimentée, tout en gardant le plus longtemps possible le secret de cette recette locale qui fonctionne bien.

Un dénouement, bien réalisé, nous laisse imaginer une suite possible et probable.

Bonne lecture. 

Publié dans Littérature suisse

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